Une fracture numérique bien réelle chez les jeunes
La 1e période de confinement, instaurée entre mars et mai 2020, a montré les limites du concept de “digital native” forgé au début des années 2000. Cette expression désigne littéralement les “enfants du numérique”. Elle fait valoir l’idée selon laquelle les jeunes et très jeunes seraient dotés d’une capacité naturelle à pouvoir utiliser les outils du numérique, du fait de leur enfance passée dans un environnement numérique (télévision, ordinateur, téléphone, tablette, etc.). Ainsi, ce concept désigne initialement tous les individus nés après 1980. Or, la fracture numérique n’épargne personne.
La 1e période de confinement, où les écoles étaient fermées, a d’ailleurs mis en évidence la fracture numérique des jeunes puisque certains élèves se trouvaient dans l’incapacité de suivre les enseignements à distance.
Le manque d’équipement matériel participe à l’exclusion des jeunes vis-à-vis du numérique. En effet, ce besoin est d’autant plus marqué dans certains territoires, préalablement fragiles, comme les quartiers prioritaires (105 en Occitanie), zones rurales ou montagneuses faiblement couvertes par un réseau (Gers, Lozère, Lot …). Les chiffres de l’INSEE dessinent une tendance à préférer l’achat d’un smartphone à l’ordinateur. Si le téléphone portable est nécessaire pour des usages professionnels, il ne peut se substituer à un ordinateur ou une tablette lorsqu’il s’agit de suivre des cours.
De plus, si les jeunes sont familiarisés aux smartphones et ordinateurs dans leur immense majorité, leur usage reste le plus souvent récréatif. En effet, les Missions Locales, structures chargées d’accompagner les jeunes en situation de précarité vers l’autonomie, constatent un peu partout en France la difficulté des jeunes à savoir utiliser le numérique à des fins professionnelles ou administratives. Il n’est pas rare de voir un adolescent ou jeune adulte communiquer sur des réseaux sociaux tels que Facebook, Snapchat ou jouer à Fortnite. Cependant, lorsqu’il s’agit de chercher un emploi, un logement ou remplir une démarche administrative en ligne, la tâche s’avère moins évidente.
On constate que certains jeunes ont un usage récréatif du numérique et qu’il n’y a pas forcément de transfert de compétence vers des usages à visée professionnelle ou d’insertion […] « il y a donc un besoin d’accompagnement. » Thomas Vandriessche, Responsable des solutions numériques chez WeTechCare.
Le numérique : entre freins et opportunités
Une étude[1]publiée par l’ANSA (Agence Nouvelle des Solidarités Actives) montre les différences de perception entre jeunes et professionnels concernant des sites internet jugés “utiles pour l’accès à l’autonomie”. Ainsi, si les sites des institutions publiques sont les plus citées par les professionnels (emploi, aides gouvernementales, justice, etc.), le groupe “jeune” préfère en majorité porter son attention sur le réseau Facebook.
Des inégalités d’usage qui semblent d’autant plus creusées selon les milieux sociaux d’après la sociologue Jen Schradie. Autrement dit, les plus défavorisés se retrouveraient davantage dans la fracture numérique, allant même jusqu’à renoncer à réaliser certaines démarches en ligne.
Néanmoins, si la numérisation de notre société entraîne des freins, elle développe également de nouvelles opportunités pour l’avenir. Les chiffres officiels recensent que 60 % des métiers de demain n’existent pas encore, et actuellement environ 8000 emplois dans le numérique restent vacants. La demande de profils formés aux métiers digitaux ne cessent de grandir du côté des recruteurs.
L’école publique a un rôle stratégique à jouer en adaptant son enseignement à ces évolution structurelles. Les pensées et méthodes de raisonnement informatiques s’insèrent progressivement dans les programmes scolaires. Par exemple, l’ouverture récente d’un Capes informatique et la multiplication des options en informatique rattachées aux classes de lycée œuvrent en ce sens.
De plus, de nombreux acteurs associatifs et sociaux agissent pour l’autonomie des jeunes par le numérique sur le territoire hexagonal (Emmaüs Connect et WeTechCare, EPIDE, les Missions locales, le collectif Mentorat, etc.). Durant la 1e période de confinement, Emmaüs Connect a d’ailleurs distribué près de 16 000 ordinateurs et tablettes pour les jeunes au travers de son programme “Connexion d’urgence” ; 1 100 jeunes ont également reçu un suivi et du coaching quotidiennement. La startup WeTechCare a offert 250 sessions de e-formation à des structures de médiation numérique.